Note. Ne sont mentionnées que les violences racistes (ou probablement racistes) qui ont fait écho dans la presse nationale, notamment la série de meurtres à Saint-Pétersbourg depuis 2003. Le centre SOVA propose une statistique détaillée des crimes racistes connus et continue de répertorier ce type d’incidents.
Moscou, Saint-Pétersbourg, Voronež et la région de Krasnodar sont généralement en tête de ces statistiques, ce qui reflète sûrement le degré d’organisation des groupes néo-nazis dans ces régions, mais peut-être aussi le manque d’informations fiables sur les autres régions, où les ONG des droits de l’homme et les groupes antifascistes ont une implantation plus faible.
Les conflits « interethniques » en URSS pendant la perestroïka et les principaux événements politiques post-soviétiques sont évoqués pour présenter le contexte dans lequel s’inscrivent les manifestations d’un ultranationalisme russe et les débats sur le fascisme et l’ extrémisme.
Ce tableau chronologique recense également les colloques ou congrès ayant donné lieu à des publications importantes ou marqué un tournant dans le débat sur le fascisme et le nationalisme russe, et quelques autres manifestations réalisées par les organisations énumérées dans l’annexe. Il m’a paru important d’inscrire ces réunions dans une chronologie générale de la vie politique pour montrer qu’elles ne relèvent jamais, pour leurs participants, d’une science pure et détâchée. Leurs titres sont soulignés pour en faciliter le repérage.
1987
27-28 janvier Lors d’une session plénière du Comité central du PCUS, son secrétaire général Mihail Gorbačëv, élu deux ans auparavant, annonce un vaste programme de réformes qui sera par la suite nommé « perestroïka » (restructuration).
6 mai Manifestation de Pamât’ place du Manège à Moscou, suivi d’une rencontre entre ses dirigeants et Boris El’cin, chef du Parti communiste de Moscou.
1988
8 février Manifestations d’Arméniens de Nagornyj Karabah (Azerbaïdjan) demandant le rattachement de la région à l’Arménie.
28-29 février Pogrom anti-arménien à Sumgait (Azerbaïdjan), plus de 30 morts.
13 mars Publication d’un manifeste anti-perestroïka dans le journal conservateur Sovetskaâ Rossiâ, intitulé Je ne peux renoncer à mes principes. Signé par Nina Andreeva, professeur de chimie dans un lycée de Léningrad, le texte, ouvertement antisémite et approuvant de certains écrivains nationalistes russes comme Aleksandr Prohanov (1938-), émane en fait de Egor Ligačëv, opposant de Gorbačëv au sein du Bureau politique du Comité central du PCUS.
7-9 juin Colloque annuel à l’Institut d’ethnographie de l’Académie des sciences à Léningrad sur « L’ethnographie de Pétersbourg-Léningrad », organisé depuis 1986 par Nataliâ Ühnëva : premier débat public sur l’antisémitisme
9 juin – 4 août Série de manifestations de Pamât’ dans le Jardin Rumâncev à Léningrad
28 juin – 1 juillet XIXème Congrès pansoviétique du PCUS (vsesoûznaâ partkonferenciâ) qui adopte, entre autres, une résolution « Sur les relations entre nationalités » (O mežnacional’nyh otnošeniâh) qui réaffirme le besoin d’intensifier « l’éducation patriotique et internationaliste »
29 août Création du premier Front populaire (séparatiste) en Estonie, bientôt suivi par des équivalents en Lettonie et Lithuanie
22 septembre Réunion fondatrice de la section des relations politiques entre nationalités (nacional’no-političeskih otnošenij) de l’Association soviétique de sociologie
1989
3 mars Réunion de la section de sciences sociales de la Présidence de l’Académie des sciences de l’URSS, débat sur la théorie de la nation.
26 mars – 9 avril Elections au Congrès des députés du peuple ; pour la première fois il y a plusieurs candidats par mandat. Les sessions du parlement sont télévisées en témps réel.
9 avril Une manifestation séparatiste non autorisée à Tbilisi (Géorgie) est dispersée par l’armée, une vingtaine de morts.
3 juin Début d’une vague de pogroms contre les Turks Meskhètes dans la vallée de Ferghana (Ouzbékistan).
6 juin Dans un discours au Congrès des députés du peuple, l’écrivain nationaliste Valentin Rasputin (1937-) avance l’idée d’une indépendance de la Russie de l’Union soviétique en réaction aux demandes souverainistes de députés baltes.
1 juillet Intervention télévisée de Gorbačëv sur la question des nationalités.
5-7 juillet Table ronde sur « Les problèmes socio-politiques des relations entre nationalités en URSS : théorie et pratique » à l’Institut du marxisme-léninisme.
15 juillet Collisions entre Géorgiens et Abkhazes en Abkhazie (république autonome au sein de la Géorgie).
31 août Le Conseil suprême de la Moldavie fait du moldave la langue officielle, début du conflit en Transnistrie (région majoritairement russophone de la Moldavie).
septembre Session plénière du Comité central du PCUS sur « le perfectionnement des relations entre nationalités en URSS » (annoncée depuis 1988).
1990
13-21 janvier Pogroms anti-arméniens à Bakou (Azerbaïdjan), l’état d’urgence est déclaré. 120 personnes meurent.
18 janvier Irruption d’un groupe d’ultranationalistes dirigés par Konstantin Smirnov-Ostašvili dans une réunion de l’association d’écrivains Aprel’ à Moscou.
9 mars Assassinat du père Aleksandr Men’, prêtre orthodoxe réformiste d’origine juive.
12-15 mars Le Congrès des députés du peuple abolit le système monopartite et élit Gorbačëv au nouveau poste de président de l’URSS.
13 mars Vladimir Žirinovskij (1946-), ancien membre de l’Association de la culture juive et de l’Union démocratique, crée le Parti libéral-démocratique de l’Union soviétique (PLDUS), organisation largement virtuelle et au programme flou.
12 juin Le premier Congrès des députés du peuple de la RSFSR (ne pas confrondre avec celui de l’URSS) proclame la souveraineté de la Russie. Le Conseil suprême de la RSFSR, parlement officiel mais purement protocolaire depuis 1938, devient effectivement l’assemblée législative la Russie.
8 juillet Création du « Bloc centriste modérément radical de partis et mouvements politiques » par Žirinovskij, Valerij Skurlatov (1938-) du Front populaire russien et plusieurs autres hommes politiques. Dans la presse officielle, le bloc, qui ne d’aucun soutien de masse, est présenté comme une « troisième force » entre les démocrates et les communistes.
1 août Abolition de la censure, donnant lieu à de nombreux nouveaux journaux.
2 septembre Création de l’Institut d’études en sciences humaines et politiques.
18 septembre Aleksandr Solženicyn, à partir de son exil aux Etats-Unis, publie en supplément au journal Komsomol’skaâ pravda une brochure intitulée Comment réaménager notre Russie, préconisant un nouvel Etat russe comprenant la Russie, l’Ukraine, la Biélorussie et une partie du Kazakhstan.
19 septembre Le domaine .su est créé dans le World wide web. Dans les années 1990, des auteurs ultranationalistes, et notamment Aleksandr Dugin et son centre Arctogaia, seront parmi les premiers à établir une présence dans ce nouveau médium, dont l’usage est alors largement restreint à des universitaires et informaticiens en ex-URSS et dans la communauté émigrée.
16 octobre Plusieurs anciens membres de Pamât’ créent l’Union nationale russe, parti ouvertement ultranationaliste, anticommuniste, militariste et inspiré du national-socialisme allemand. L’UNR est dirigée par Aleksandr Barkašov (1953-), professeur de karaté.
1991
Janvier Conflit armé dans l’Ossétie-Sud, région autonome au sein de la Géorgie
11-20 janvier A Vilnius (Lithuanie) et Riga (Lettonie), les troupes soviétiques soutiennent une tentative de putsch anti-séparatiste, plusieurs civils meurent. Aleksandr Nevzorov (1958-), présentateur de l’émission 600 secondes sur la chaîne de télévision de Léningrad (la première émission soviétique dans le genre de la chronique criminelle, diffusée depuis le 23 décembre 1987), soutient l’action militaire et, à partir de cette époque, transforme son émission en plate-forme du national-patriotisme.
9 février, 3 mars Dans les républiques baltes, une large majorité de la population se prononce pour l’indépendance lors de plusieurs référendums.
10 mars A Moscou, lors de la plus grande manifestation de la perestroïka, 300 000 personnes demandent, entre autres, la souveraineté de la Russie.
17 mars Dans un référendum, la majorité des citoyens soviétiques dans les 9 républiques participantes (sur 15) se prononce pour la le maintien de l’URSS.
23 avril Suicide de Konstantin Smirnov-Ostašvili dans une institution pénitentiaire dans la région de Tver’.
12 juin Elections présidentielles en RSFSR. Boris El’cin est élu, Vladimir Žirinovskij, personnage toujours peu connu, arrive en troisième avec 8 % des voix. Le même jour, les réformateurs Gavriil Popov et Anatolij Sobčak sont élus, respectivement, maires de Moscou et de Léningrad, dont les citoyens se prononcent dans un référendum pour un retour du vieux nom de Saint-Pétersbourg.
23 juillet Le journal Sovetskaâ Rossiâ publie une tribune intitulée Un mot au peuple, signée par des écrivains nationalistes et membres conservateurs du PCUS, appelant à la création d’un « mouvement populaire-patriotique » pour empêcher la dissolution de l’Etat.
19-21 août Tentative de putsch contre Gorbacëv par le Comité d’Etat pour l’état d’urgence. Son échec signale la fin du système soviétique.
23 août El’cin signe un décret interdisant le PCUS.
25 août-1 septembre L’Ukraine, la Moldavie, l’Ouzbékistan et la Kirghizie déclarent leur indépendance.
6 octobre Meurtre, à Léningrad, du chanteur rock Igor’ Tal’kov (né en 1956), chanteur anticommuniste et adepte de « l’idée russe »[1].
24 octobre Création du Front de salut national, rassemblement d’organisations communistes et ultranationalistes (« coalition rouge-brune »).
Novembre-décembre Création du parti Russie laborieuse dirigé par Viktor Anpilov (1945-). Ce parti au programme staliniste se défend d’accusations de nationalisme tout en adoptant des slogans antisémites. En 1991-1993, Anpilov et son parti organisent les plus grandes manifestations pro-soviétiques et antiprésidentielles à Moscou.
25 décembre Dissolution de l’Union soviétique suite aux accords de Belovežskaja puŝa du 8 décembre.
1992
23 février L’opposition organise des manifestations massives contre El’cin à travers la Russie.
23 mai Sortie aux écrans du film documentaire de Stanislav Govoruhin, La Russie que nous avons perdue, à la gloire de la Russie prérévolutionnaire.
Juin Colloque sur la prévention d’atteintes à l’égalité des nationalités et sur la responsabilité pour l’incitation à la discorde entre les nationalités (po problemam zaŝity ot posâgatel’stv na nacional’noe ravnopravie i otvetstvennosti za razžiganie mežnacional’noj rozni), Saint-Pétersbourg
15 juin Egor Gajdar (1956-), ministre des finances depuis novembre 1991, devient premier ministre par intérim. Il lance un vaste programme de réformes économiques et notamment de privatisations.
6 avril Début du conflit entre le président El’cin et le parlement lors de la sixième session de ce dernier.
Décembre Transformation du PLDUS en Parti libéral-démocratique de Russie (PLDR).
14 décembre Viktor Černomyrdin (1938-), ancien ministre de l’industrie du gaz et du pétrole de l’URSS, devient premier ministre, remplaçant Egor Gajdar.
1993
13-14 février Création, sur la base de l’ancien PCUS, du Parti communiste de la Fédération de Russie (PCFR) sous la direction de Gennadij Zûganov (1944-), signataire du Mot au peuple, membre de plusieurs organisations ultranationalistes russes et l’un des dirigeants du Front du salut national. Le 30 novembre 1992, la cour constitutionnelle avait confirmé la prohibition du PCUS tout en permettant les activités des ses organisations locales.
Mars-avril Aggravation du conflit entre président et parlement ; les adversaires de El’cin au Conseil suprême n’arrivent pas à faire destituer le président ; le 26 avril, une majorité exprime sa confiance en El’cin mais vote contre des élections parlementaires anticipées. Le vice-président, Aleksandr Ruckoj (1947-), vétéran de la guerre d’Afghanistan, prend le parti du Conseil suprême.
Mai Création du Parti national-bolchevik (PNB). Ses principaux dirigeants sont Ėduard Limonov (1943-), écrivain provocateur récemment retourné de son exil en France, et Aleksandr Dugin (1962-), l’un des principaux auteurs du journal « patriotique » Den’ (Le jour) et promoteur d’une version russe de la Nouvelle droite.
22 juin Congrès de toute l’Union [soviétique, sic] des forces antifascistes (réunissant 29 partis et mouvements communistes, socialistes et nationalistes de Russie et d’autres pays ex-soviétiques, proches du Front de salut national), Moscou. Déclaration sur la création d’un Front antifasciste uni et d’un Comité antifasciste de toute l’Union
21 septembre Le décret no. 1400 du président El’cin ordonne la dissolution du parlement.
21 septembre – 4 octobre Confrontation armée entre le président et le parlement ; le 4 octobre, en utilisant des chars d’assaut, les forces loyales au président s’emparent du parlement. Plusieurs organisations ultranationalistes, avant tout l’UNR, participent au conflit du côté du Conseil suprême, envahissant la mairie de Moscou le 3 octobre et tentant d’occuper la tour de télévision.
12 décembre Aux premières élections à la nouvelle Duma, le PLDR de Vladimir Žirinovskij arrive en tête du scrutin avec 22,92% des voix. Le PCFR occupe la troisième place (12,4%) ; plusieurs militants ultranationalistes gagnent des mandats directs. Une nouvelle constitution ultraprésidentielle est adoptée dans un référendum.
1994
17 mai Dans un article paru dans le journal Izvestiâ (Gajdar 1994), Egor Gajdar (1956-), ancien premier-ministre, appelle Vladimir Zirinovskij un « fasciste ». Celui-ci intente un procès contre Gajdar et le gagne.
27 mai Retour en Russie d’Aleksandr Solženicyn. Pendant plusieurs mois, il s’engage dans un périple très médiatisé à travers le pays, achevé le 28 octobre par un discours à la Duma.
11 décembre Des troupes du Ministère de la défense entrent en Tchétchénie pour soutenir l’opposition au président indépendantiste Džohar Dudaev. Début de la première guerre de Tchétchénie. La chaîne de télévision privée NTV diffuse des reportages extrêmement critiques de l’armée.
1995
Année de la tolérance proclamée par l’ONU.
20-22 janvier Congrès « Le fascisme dans la société totalitaire et post-totalitaire : fondements idéologiques, base sociale, activité politique » (Moscou)[2]
Février Débat parlementaire sur les moyens d’empêcher la propagande du fascisme.
23 mars Publication du décret présidentiel no. 310 « Sur les mesures de lutte contre le fascisme et l’extrémisme politique »
Mai Séminaire « Tendances néototalitaires et extrémistes en Russie » (Moscou) organisé par Jurij Orlov (1924-), ancien dissident
9 mai Inauguration d’un Parc de la Victoire à Moscou pour commémorer la victoire dans la Grande guerre patriotique. L’idée remonte à la période bréjnévienne.
14 juin – 19 juin Prise d’otages à l’hôpital de la ville de Budënnovsk dans la région de Stavropol’ par un commando de terroristes sous la direction du Tchétchène Šamil’ Basaev. 130 personnes meurent.
17-18 juin Symposium international « Tolérance et violence dans les sociétés contemporaines », Moscou.
20-24 juin Colloque international « Tolérance, entente et accord » (Tolerantnost’, vzaimoponimanie i soglasie), Âkutsk.
28-29 octobre « Le néonazisme comme phénomène international : un danger commun », séminaire à Saint-Pétersbourg (Contrôle citoyen)[3].
17 décembre Elections à la Duma. Le PCFR arrive en tête avec 22,3% des voix, suivi par le PLDR avec 11,18%. Seuls deux autres partis (Notre maison la Russie, « parti du pouvoir », et le parti démocratique Âbloko) sont élus au parlement ; le Congrès des communautés russes, parti ultranationaliste, et le bloc staliniste Communistes – Russie laborieuse – Pour l’Union soviétique manquent de très près à franchir la barre des 5% (4,31% et 4,53% respectivement).
1996
16 juin Premier tour de l’élection présidentielle. Boris El’cin, dont le taux de popularité est de 3-6% dans les sondages au début de l’année, devance Gennadij Zûganov (35,28% contre 32,03%) après une campagne massive jouant sur les horreurs du système soviétique. Le général Aleksandr Lebed’ (1950-2002), qui mène une campagne « patriotique », arrive en 14,52% mais rejoint le camp de El’cin après sa nomination au poste de secrétaire du Conseil de sécurité le 18 juin.
25 juin « La possibilité d’une arrivée au pouvoir des nazis en Russie », table ronde à Saint-Pétersbourg (Contrôle citoyen)[4].
3 juillet Second tour de l’élection. El’cin est élu avec 53,82% des voix contre 40,31% pour Zûganov.
6 août A Hasav-Ûrt, Lebed’ et le commandant de l’état-major tchétchène, Aslan Mashadov (1951-2005), concluent un armistice qui laisse en vigueur le statu quo pour cinq ans et rend la Tchétchénie indépendante de fait.
17 octobre Destitution d’Aleksandr Lebed’.
Octobre Exposition « antifascisme et anti-antifascisme » à Moscou, organisée par Anatolij Osmolovskij.
25-26 octobre Congrès fondateur de Résistance antifasciste de gauche à Moscou.
1997
27 janvier Aslan Mashadov est élu président de la Tchétchénie.
Mars En désignant deux nouveaux vice premier ministres (Boris Nemcov, 1959-, ancien gouverneur de la région de Nižnij Novgorod, et Anatolij Čubajs, 1955-, économiste et l’un des auteurs du programme de privatisations en 1991-1992), Boris El’cin crée le « gouvernement des jeunes réformateurs ». Débute un conflit sur la politique économique entre le gouvernement et les « oligarques » Boris Berezovskij (1946-), Vladimir Gusinskij (1952-) et Vladimir Potanin (1961-), qui utilisent leur contrôle des principaux médias pour dénoncer le pouvoir.
7-8 novembre Troisième congrès interrégional extraordinaire de Jeune action antifasciste à Moscou (également intitulé « Congrès des jeunes pour surmonter l’héritage totalitaire et soutenir les réformes libérales » et « Conférence fondatrice du Centre uni des jeunes de droite »).
1998
23 mars El’cin congédie le premier ministre Viktor Černomyrdin et fait élire, le 26 avril, le jeune Sergej Kirienko (1962-), menaçant de dissoudre la Duma en cas de refus.
Avril Moscou : des violences de skinheads néo-nazis autour de l’anniversaire d’Adolf Hitler inaugurent une série d’agressions contre des Noirs d’Afrique et des Etats-Unis, faisant plusieurs victimes.
7 mai Asaf Nagiev, 24 ans, marchand de chaussures azéri, est tué dans une bagarre à Moscou au marché de Lužniki. Des manifestations spontanées d’Arméniens s’ensuivent, qui seront dispersées par des détachements spéciaux de la milice.
Mai Schisme au PNB : Dugin le quitte pour poursuivre des projets « eurasistes », entraînant avec lui un petit nombre de militants du parti.
3 juillet Assassinat, dans la région de Moscou, du général Lev Rohlin (né en 1947), député à la Duma et dirigeant du Mouvement de soutien à l’armée, organisation politique pro-communiste et impéraliste issue des milieux militaires qui évite les discours xénophobes . Toutefois, après la mort de Rohlin, l’organisation se transforme en mouvement antisémite sous la direction de Viktor Ilûhin (1949-) et Al’bert Makašov (1938-).
17 juillet A Saint-Pétersbourg, inhumation solennelle des dépouilles du Tsar Nicolas II et de sa famille, fusillés en 1918 à Ekaterinburg.
17 août Suite à plusieurs pays asiatiques, la Russie est elle aussi frappée par une vaste crise économique. Elle se déclare en cessation de paiement pour la dette intérieure ; le rouble perd les trois quarts de sa valeur. Le defolt provoque un choc psychologique qui, avec la guerre du Kossovo de l’année suivante, pousse de nombreux anciens libéraux à se tourner vers des positions anti-occidentales et patriotiques.
23 août Démission de Sergej Kirienko.
11 septembre Nouveau premier ministre : Evgenij Primakov (1929-), arabisant, ancien chef du service de renseignements et ancien ministre des Affaires étrangères, connu pour ses prises de position « patriotiques » mais dénoncé par une partie de la presse ultranationaliste à cause de ses origines juives.
Octobre-décembre Scandale autour des propos antisémites du général Al’bert Makašov, député de la Duma, lors de meetings à Moscou et Samara les 4 et 7 octobre, et de sa proposition, dans un discours à la Duma le 1 novembre, d’introduire des quotas pour les Juifs dans les organes d’Etat. Le 13 novembre, la Duma adopte une résolution condamnant l’antisémitisme sans mentionner le nom de Makašov. A la demande du Ministère de la justice, le Parquet général initie des procédures judiciaires contre Makašov, qui sera acquitté en mars 1999.
20 novembre Assassinat de Galina Starovojtova, députée à la Duma, à Saint-Pétersbourg.
Décembre Création du mouvement SPAS, qui rassemble des activistes de plusieurs organisations ultranationalistes (PLDR, Parti patriotique russe, Ligue de défense du patrimoine national russe et autres) et se rapproche bientôt de l’UNR.
1999
12-19 mai El’cin congédie Evgenij Primakov, survit à une tentative de destitution par le parlement et fait élire au poste de premier ministre Sergej Stepašin (1952-), chef du Service fédéral de contre-renseignements (FSK, ancien KGB) en 1993-95, aux opinions relativement libérales.
Mai-juin Intervention militaire de l’OTAN en Serbie, à laquelle s’oppose la diplomatie russienne. Le manque d’égard pour la position de la Russie provoque un repli nationaliste très large.
Août Un détachement de combattants sous la direction de Šamil’ Basaev entre au Daghestan à partir de la Tchétchénie et occupe plusieurs villages. Ils sont repoussés par l’armée et les habitants locaux.
9-16 août El’cin déclare la démission de Stepašin et propose au poste de premier ministre Vladimir Putin (1952-), ancien vice-maire de Saint-Pétersbourg et depuis juillet 1998 chef du Service fédéral de sécurité (FSB, ancien KGB). Il est élu le 16 août.
5, 9, 13, 16 septembre Des centaines de personnes meurent dans des explosions d’immeubles à Bujnaksk, Moscou et Volgodonsk.
Septembre « Le multiculturalisme et la transformation des sociétés soviétiques », Centre Carnégie, Moscou (colloque organisé par Vladimir Malahov (1958-) de l’Institut de philosophie de l’Académie des sciences)[5].
Octobre Début de la seconde guerre de Tchétchénie, officiellement intitulée « opération antiterroriste ».
Octobre-décembre Le mouvement SPAS annonce sa participation aux élections législatives. Aleksandr Barkašov, dirigeant de l’UNR, est en tête de sa liste électorale. La Commission électorale interdit plusieurs candidats. Le Ministère de la justice initie une action légale pour exclure le SPAS des élections et, le 3 décembre, gagne le procès après un passage par plusieurs instances. Le SPAS cesse effectivement d’exister.
19 décembre Elections législatives. Le PCFR arrive en tête (24,29%), suivi par un nouveau parti proche du Kremlin, Edinstvo (Unité, 23,32%). Les autres partis qui franchissent la barre électorale sont Otečestvo – Vsâ Rossiâ (La Patrie / Toute la Russie, coalition de plusieurs dirigeants de régions), l’Union des forces de droites (UFD, nouvelle coalition libérale qui soutient cependant majoritairement la guerre en Tchétchénie et la candidature de Putin à la présidence), le Bloc de Žirinovskij (effectivement le PLDR) et Âbloko.
31 décembre Dans une allocution télévisée, El’cin déclare sa démission et nomme Putin président par intérim.
2000
Janvier Les forces russiennes capturent Groznyj, la capitale tchétchène.
26 mars Vladimir Putin est élu à la présidence dès le premier tour, contre dix autres candidats, avec 52,94% des voix. Gennadij Zûganov reçoit 29,21%.
28 mars Le colonel Ûrij Budanov (1963-) est arrêté près du village de Tangi-Ču en Tchétchénie et accusé d’avoir enlevé, violé et tué Ėl’za Kungaeva, jeune fille de 18 ans, un jour auparavant. Son procès se termine le 25 juillet 2005 par une condamnation à dix ans de prison. Pendant son procès, Budanov devient un héros pour les milieux ultranationalistes, notamment l’UNR. Quelques-uns de ses partisans proposent sa candidature à un poste de député à la Duma. Budanov est grâcié le 15 septembre 2004, mais la décision est révoquée suite à des protestations massives en Tchétchénie.
29 avril « Qu’est-ce que le racisme dans ses manifestations concrètes ? », table ronde à Saint-Pétersbourg (Contrôle citoyen)[6].
13 mai Début d’un processus de recentralisation du pouvoir exécutif, appelé « verticale du pouvoir » par Putin.
18 mai Sortie aux écrans du film Brat-2 d’Alexej Balabanov. Il glorifie l’antiaméricanisme et les violences racistes et xénophobes et choque les critiques de cinéma libéraux, mais devient le film le plus populaire produit jusqu’alors en Russie post-soviétique (environ 9 millions de spectateurs au cinéma, plus un nombre élevé mais impossible à préciser en vidéo).
17 mai Nouveau gouvernement sous Mihail Kas’ânov (1957-).
8 août L’explosion d’une bombe dans un passage souterrain sous la place Puškin à Moscou fait sept morts.
20 août Le Tsar Nicolas II et sa famille sont canonisés par l’Eglise orthodoxe russe.
Septembre-octobre Schisme de l’UNR : le parti se divise en trois organisations, dirigées respectivement par Aleksandr Barkašov, Evgenij et Mihail (1971-) Laločkin et Oleg Kassin (1965-).
27-30 septembre Premier congrès sociologique national (vserossijskij) à Saint-Pétersbourg : « Société et sociologie : Nouvelles réalités et nouvelles idées » (débat sur l’ethnosociologie et l’opposition primordialisme-constructivisme).
22-23 octobre Conférence nationale des organisations non-gouvernementales sur la discrimination nationale [au sens ethnique] et raciale, le racisme, la xénophobie et l’intolérance.
31 décembre Première diffusion à la télévision du nouvel hymne national, version remaniée de l’hymne soviétique de 1943, remplaçant la Chanson patriotique de Mihail Glinka, hymne national sans paroles en 1990-2000.
2001
1 février La première entrée en russe dans le service de blogs américain livejournal.com marque le début du développement d’une communauté de bloggeurs russophones. Avec l’essor d’Internet au cours des années 2000 (16% connectés en Russie au printemps 2005 selon la Fondation « Opinion publique »), livejournal deviendra l’un des forums majeurs pour le débat politique dans le monde russophone, éclipsant les médias traditionnels, successivement repris en main par l’Etat.
Avril A l’Université d’Etat de Vladimir, plusieurs étudiants originaires de différents pays africains, faussement soupçonnés d’avoir invité des filles à y passer la nuit, sont brutalisés et dévalisés dans leur chambres par des membres du service de sécurité de l’université. Les étudiants rendent l’incident public ; sous pression de l’administration de l’université, ils sont obligés de se rétracter ; trois des initiateurs sont exclus. Une campagne de presse initiée par la journaliste Natal’â Novožilova et le Groupe des jeunes défenseurs des droits de l’homme de Vladimir force le recteur à annuler l’exclusion.
7 avril Ėduard Limonov, dirigeant du PNB, est arrêté par le autorités russiennes et accusé d’une tentative de putsch au Kazakhstan. Sa peine sera finalement fixée à quatre ans de prison le 15 avril 2003. En prison, il écrit sept ouvrages sur des sujets politiques.
21 avril Création du mouvement politique Evraziâ (Eurasie) sous la direction d’Aleksandr Dugin.
4 mai La sortie du film En août 1944… inaugure une nouvelle vague de films sur la Grande guerre patriotique.
12-13 mai « Les minorités nationales dans le contexte de la conscience sociale [obŝestvennoe soznanie] », séminaire à Saint-Pétersbourg (Contrôle citoyen)[7].
31 août – 9 septembre Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, Durban (Afrique du Sud), avec une trentaine de délégués russiens.
17-21 octobre « Est-Ouest : solidarité internationale et coopération contre l’intolérance » (Conférence internationale du réseau UNITED) à Puškin dans la banlieue de Saint-Pétersbourg
30 octobre A Moscou, trois cents jeunes environs perpétuent un pogrom dans un marché près de la station de métro de Caricyno. 27 personnes sont blessées, dont deux mortellement (un citoyen russien d’origine arménienne et un Indien). Dispersés par la milice, les jeunes continuent leurs agressions dans le métro et dans un hôtel voisin, blessant de nombreuses autres personnes au faciès « caucasien », dont des enfants ; Karam Džanmamedov, 18 ans, ressortissant du Tadjikistan, meurt de ses blessures quelques jours plus tard.
21-22 novembre L’administration présidentielle organise un Forum civique au Kremlin sur l’interaction entre la société civile et le pouvoir. Le monde des ONG est divisé sur la question de la légitimité de ce congrès : certains dénoncent une tentative de mainmise sur la société civile et refusent de participer. Plusieurs forums régionaux s’ensuivent.
1 décembre Création du parti Russie unie (Edinaâ Rossiâ) résultant de la fusion des partis Unité, Toute la Russie et Patrie, liées à différents groupes au sein du pouvoir. Limitant ses prises des position publiques à un soutien inconditionnel à Putin, ce parti, qui recrutera de nombreuses personnalités du monde politique et culturel, est dénoncé par l’opposition comme nouveau parti unique.
1-2 décembre Colloque « Sciences sociales, discours raciste et pratiques discriminatoires » (Saint-Pétersbourg).
15-16 décembre Second congrès du réseau des organisations de défense des droits de l’homme de Russie contre le racisme, la discrimination ethnique, la xénophobie et l’intolérance, Saint-Pétersbourg, débat sur les résultats de la Conférence mondiale à Durban.
2002
Février Campagne anti-américaine dans les médias suite à de prétendues irrégularités dans l’évaluation de participants russiens aux Jeux olympiques de Salt Lake City.
9-10 avril « Le journalisme et les relations interethniques [mežnacional’nye] (situations de conflit) », séminaire, Centre de journalisme extrême, Moscou.
27 mai A Moscou, Tat’âna Sapunova est blessée par une bombe cachée en essayant d’enlever un placard arborant les mots « Mort aux youpins » sur la Chaussée de Kiev à Moscou.
31 mai Aleksandr Prohanov, écrivain et journaliste ultranationaliste, reçoit le prix littéraire Best-seller national.
9 juin Violences de skinheads d’extrême-droite dans le centre de Moscou suite à la défaite des footballeurs russiens contre le Japon au championnat mondial en Corée du Sud. Deux morts, plus de cents blessés, voitures et magasins démolis.
23 juin « Moscou sans fascisme », Assemblée du public démocratique (demokratičeskoj obŝestvennosti) de Moscou à l’initiative du parti Âbloko et du Groupe Helsinki de Moscou, création du Comité de coordination pour résister aux manifestations du fascisme, de l’extrémisme, de la xénophobie et du nationalisme.
27 juin La Duma vote une Loi sur l’empêchement des activités extrémistes définissant de manière très vague la notion d’extrémisme.
7 juillet A Krasnoarmejsk dans la région de Moscou, un pogrom anti-Arménien éclate suite à l’aggression d’un habitant de la ville par Garik Saân (43 ans), de nationalité arménienne.
12 juillet Création du Mouvement contre l’immigration illégale (MCII) dirigé par Aleksandr Belov (pseudonyme d’Aleksandr Potkin, alors secrétaire de presse de Pamât’ de Dmitrij Vasil’ev). A partir de l’année suivante, ce mouvement réussit à s’établir comme organisation « parapluie » pour de nombreux groupes de skinheads néo-nazis de la région de Moscou sans pour autant que ceux-ci acceptent de s’y soumettre au niveau organisationnel. Le Mouvement milite effectivement pour la déportation de tous les « allogènes », catégorie qui n’exclut que les Biélorusses et les Ukrainiens.
Septembre Les relations russo-géorgiennes se détériorent suite à l’exode de milliers de Tchétchènes, dont des combattants armés, dans la vallée de Pankisi en Géorgie.
23-26 octobre Prise d’otages dans une salle de concert à Moscou par des terroristes tchétchènes. Les terroristes et 129 otages meurent, principalement des effets du gaz toxique utilisé par les unité spéciales qui s’emparent du bâtiment.
29 novembre Ėduard Limonov est l’un des lauréats du Prix Andrej Belyj, décerné tous les ans par un jury proche de l’underground contreculturel des années 1970.
2003
22-23 février « Qui lutte contre l’extrémisme en Russie, et comment ? », séminaire à Saint-Pétersbourg (Contrôle citoyen)
30 juin Libéré avant terme, Limonov sort de prison.
5 juillet Pendant un concert de rock, un attentat à la bombe près de l’aérodrome de Tušino à Moscou fait 18 morts.
14 septembre En préparation aux élections de décembre, un bloc électoral intitulé La patrie (union populaire-patriotique) (Rodina: narodno-patriotičeskij soûz) est créé, dirigé par les ultranationalistes Sergej Baburin et Dmitrij Rogozin et l’économiste « patriotique » Sergej Glaz’ev, ancienne vedette du PCFR[8].
21 septembre Attaque d’un groupe de skinheads sur un camp Tsigane dans la banlieue de Saint-Pétersbourg ; une fille de six ans meurt de ses blessures.
25 octobre Mihail Hodorkovskij (1963-), patron du géant pétrolier privé Yukos qui soutient les partis politiques libéraux, est arrêté à Novosibirsk pour fraude fiscale. Le procès contre Hodorkovskij et le démembrement de son groupe et de la fondation Russie ouverte qu’il finance sont perçus par une grande partie de la presse occidentale et des libéraux en Russie comme une atteinte aux droits de l’homme et à la propriété privée.
7 décembre Elections législatives. Résultats : Russie unie 37,57%, PCFR 12,61%, PLDR 9,02%, Rodina 9,02%. Les partis libéraux UFD et Âbloko ne franchissent pas la barre des 5%.
8 décembre Une moscovite, Aleksandra Ivannikova, tue au couteau un chauffeur de taxi, affirmant par la suite que ce dernier a tenté de la violer. Dans le débat autour du procès qui s’ensuit, certains de ses défenseurs vantent son action comme acte d’autodéfense ethnique en raison des origines arméniennes du chauffeur. Le 27 juillet 2004, le MCII offre un prix de 50 000 roubles à Ivannikova pour son « acte citoyen », que celle-ci accepte.
2004
46 personnes mortes suite à des attaques racistes et néo-nazies selon SOVA
9 février Meurtre à Léningrad de Huršeda Sultonova, fille de 9 ans d’origine tadjike, donnant lieu à un débat dans la presse sur les violences racistes. Le 22 mars 2006, les jeunes néo-nazis accusés de ce crime seront acquittés de l’accusation de meurtre.
21 février Meurtre de l’étudiant Amaru Lima, originaire de Guinée-Bissau, dans le centre de Voronež.
24 février Putin destitue le premier ministre Mihail Kas’ânov. Le 5 mars, il fait élire à ce poste Mihail Fradkov (1950-), diplomate et spécialiste du commerce international.
10-11 avril « Le discours raciste dans l’éducation russienne », Saint-Pétersbourg.
14 mars Elections présidentielles. Vladimir Putin est réélu au premier tour avec 71,31% des voix, l’emportant sur cinq autre candidats. Comme pour les élections parlementaires de l’année précédente, les observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dénoncent une campagne médiatique biaisée. Putin refuse de participer aux débats télévisés.
18 avril Flash-mobs (mobilisations éclair) antifascistes initiés par le Mouvement des jeunes défenseurs des droits de l’homme à Voronež, Vladimir, Kaluga, Lipeck, Saint-Pétersbourg et Krasnodar.
19 juin Saint-Pétersbourg : assassinat au fusil, dans son appartement, de Nikolaj Girenko (né en 1940), qui a participé en tant qu’expert à des nombreux procès, dont celui sur le meurtre de Huršeda Sultonova.
30 juillet Publication sur Internet d’un texte anonyme qui « condamne à la peine de mort » le gouverneur de Saint-Pétersbourg, Valentina Matvienko, pour sa « politique antirusse » tolérant les immigrés caucasiens et centrasiatiques.
Mi-août Aleksandr Sevast’ânov (1954-), dirigeant du Parti de la nation et de la grande puissance de Russie (Nacional’no-deržavnaâ partiâ Rossii), publie une liste de 49 « non amis du peuple russe » (sic, pour éviter le mot « ennemi » : journalistes, ethnologues, personnages politiques, responsables d’ONG). Saluant l’assassinat de Girenko, Sevast’ânov déclare sinistrement que « rien ne les menace pour l’instant ».
1-3 septembre A Beslan, en Ossétie-Nord, des terroristes occupent une école et prennent en otage les élèves et institutrices. Le 3 septembre, des unités antiterroristes de l’armée prennent l’école d’assaut. 326 otages meurent au total selon la version officielle. Suite à ces événements, Putin annonce l’abolition des élections directes des gouverneurs de régions.
13 octobre Meurtre à coups de poignard de l’étudiant vietnamien Vu An Tuan (20 ans) dans le centre de Saint-Pétersbourg
2005
36 personnes mortes suite à des attaques racistes et néo-nazies selon SOVA
Janvier Le journal Rus’ pravoslavnaâ publie une lettre ouverte au Parquet général demandant d’examiner les activités des communautés religieuses et associations juives au sujet d’incitation à la discorde entre nationalités. La lettre est signée par plus de 500 personnes, dont plusieurs députés de la Duma.
26 février Création de l’Union eurasiste de la jeunesse liée au Mouvement eurasiste international d’Aleksandr Dugin.
1 mars Création par des personnes proches de l’administration présidentielle du Mouvement démocratique antifasciste de jeunes Naši (Les nôtres), mouvement pro-Putin qui se consacre à la dénonciation de l’opposition politique comme « fasciste » et organise des festivals antinationalistes dans l’esprit de « l’amitié entre les peuples ».
17 mars Moscou : Attentat (échoué) contre Anatolij Čubajs, actuellement président du conseil d’administration du conglomérat monopoliste d’électricité. Le colonel Vladimir Kvačkov (1948-) est arrêté et accusé de ce crime (le procès dure encore au moment de la rédaction). En septembre, Kvačkov, toujours détenu, déclare sa candidature aux élections municipales de Moscou sur une plateforme de « libération nationale des Russes ».
21 mars Table ronde « Disons ‘ non ’ au racisme ! » organisée par l’association Ičumbi à l’Université électrotechnique de Saint-Pétersbourg.
26 avril « La résistance au nationalisme radical : problèmes et pratiques positives », Moscou, Centre SOVA.
12 juin Un attentat à la bombe sur un train Groznyj-Moscou fait 42 blessés. Le 21 mars 2007, Mihail Klevačëv, 47 ans, et Vladimir Vlasov, 48 ans, sont condamnés (à 18 et 19 ans de prison respectivement) pour crime commis par animosité nationale et ethnique.
15 juillet Une lettre collective, signée par une quinzaine de responsables d’ONG, accuse Aleksandr Brod (1969-), le directeur du Bureau moscovite des droits de l’homme, de discréditer le terme « antifasciste » par ses interventions multiples mais peu sérieuses dans la presse.
4 novembre La Journée d’unité nationale est célébrée pour la première fois. Plusieurs organisations nationalistes russes, notamment l’Union eurasiste des jeunes, le Mouvement contre l’immigration illégale et le Parti de la puissance nationale, organisent une « marche russe » à Moscou avec environ 3000 participants.
Septembre-décembre Création (suite à une loi du 4 avril) d’une Chambre publique, organe consultatif dont les membres sont directement désignés par le président ou choisis par le président parmi des candidats d’« associations sociales » pour une durée de trois ans. Cette nouvelle institution assume effectivement certaines fonctions du parlement, sans disposer d’un pouvoir législatif. La Chambre comporte notamment une Commission sur la tolérance et la liberté de conscience.
27 octobre-17 novembre Dans la presse russe, les émeutes dans les banlieues en France donnent lieu, presque exclusivement, à des interprétations culturalistes, voire racialistes qui présentent les événements comme un conflit entre « Arabes » et « Français ». Quelques auteurs seulement, notamment les ethnologues Valerij Tiškov et Elena Filippova, soulignent les causes sociales du conflit.
Novembre Un spot électoral de Rodina pour les élections à la Duma municipale de Moscou promet d’ « épurer la ville » en laissant entendre que les « ordures » en question sont les originaires du Caucase. Le spot provoque un scandale ; le parti en diffuse alors une nouvelle version, en français (approximatif) et sur fond de Tour Eiffel, reliant son anti-immigrationnisme aux émeutes en France. Suite à une action civile initiée par le PLDR (!), Rodina est exclue des élections.
13 novembre Meurtre de Timur Kačarava, étudiant de 20 ans, chanteur punk et membres d’un groupe antifasciste, dans le centre de Saint-Pétersbourg.
24 décembre Meurtre de Canhem Léon, citoyen du Cameroun, à Saint-Pétersbourg.
2006
46 personnes mortes suite à des attaques racistes et néo-nazies en janvier-septembre selon SOVA
11 janvier Moscou : Aleksandr Kopcev, 20 ans, fait irruption dans la synagogue rue Bronnaâ à Moscou et attaque les personnes présentes à coups de couteau, faisant dix blessés. Le 27 mars, il est condamné à 13 ans de prison pour tentative de meurtre mais acquitté du motif d’animosité ethnique; le 30 novembre, la Cour suprême, en révision, le reconnaît coupable des deux charges.
20 février Russie unie, le PLDR, l’UFD, le Parti agraire de Russie, le Parti socialiste uni de Russie[9], le Parti russien des retraités, les « Patriotes de la Russie », le Parti industriel russien unifié, le Parti russien de la paix, Russie libre, le Parti de la justice sociale et le Parti démocratique de Russie signent un Pacte antifasciste qui appelle à boycotter « ceux qui propagent une idéologie nationaliste » et les médias qui leur donnent la parole. Les PCFR, Rodina et Âbloko dénoncent le Pact comme un « test de loyauté au pouvoir » sans aucune valeur. Il n’a effectivement aucun résultat visible.
24 février Ajnur Bulekbaeva, d’origine kazakhe, meurt à Saint-Pétersbourg suite à une aggression à coups de poignard.
25 mars « Marche antifasciste internationale » à Saint-Pétersbourg ; après son achèvement, plusieurs de ses participants sont aggressés ; le même soir, Liliana Sosoko, fille métisse de 9 ans, est attaquée à coups de poignards mais reste en vie.
1 avril A Moscou, Zaur Titov, ministre de la République kabardino-balkare, ainsi que plusieurs enfants qu’il accompagne, sont agressés par des adolescents criant « la Russie aux Russes ». Dès le 3 avril, les avocats du ministre laissent tomber la charge d’incitation à la discorde entre nationalités.
7 avril L’étudiant sénégalais Sall Samba Lampsar, 28 ans, membre de l’Unité africaine, est assassiné au fusil à Saint-Pétersbourg en revenant d’une discothèque.
16 avril Meurtre à Moscou d’Aleksandr Rûhin, 19 ans, membre de la scène antifasciste punk.
22 avril Meurtre à Moscou d’un étudiant arménien, Vagan Abramânc, 17 ans.
14 mai Colloque « Le fascisme, une menace pour l’avenir de la Russie » à Moscou.
27-28 mai Pendant et après une parade gay à Moscou, de nombreux participants sont attaqués par des skinheads néo-nazis.
22 juin Création du Front antifasciste russien.
25 juin A Sal’sk dans la région de Rostov-sur-le-Don, un jeune homme originaire du Daghestan tue d’un coup de fusil un autre jeune, Russe, lors d’une bagarre. L’incident donne lieu à une large mobilisation dans la ville. Si la première manifestation est dirigée contre l’inaction de la milice, les meetings suivants, co-organisés par les dirigeants du MCII, avancent des slogans ultranationalistes et anti-daghestanais.
11-12 juillet A Moscou, un congrès intitulée « Une autre Russie » réunit plusieurs partis et ONG oppositionnels dans une coalition du même nom. Y participent, entre autres, le PNB, le champion d’échecs Garri Kasparov (1963-) et l’ancien premier ministre Mihail Kas’ânov. Une campagne de presse dans les médias officiels dénonce le mouvement comme « fasciste » en soulignant la présence en son sein du PNB.
28 août Le site web Russkaâ volâ (La liberté russe), lié à la Société national-socialiste de Dmitrij Rumâncev, publie les adresses de huit « ennemis de la nation » (journalistes, défenseurs des droits de l’homme, dirigeants d’organisations démocratiques), invitant ses sympathisants à « donner la parole au fusil ». Le Service fédéral de sécurité, sollicité par les cibles désignées, refuse de s’en occuper, citant le statut « insignifiant » des victimes.
août-septembre Dans la nuit du 29 au 30 août, dans la ville de Kondopoga en Karélie, un conflit entre les propriétaires tchétchènes d’un restaurant et plusieurs clients donne lieu à des violences massives. Trois ou quatre personnes meurent. Des militants du MCII se précipitent à Kondopoga, transformant l’incident en un conflit interethnique et participant à un pogrom anti-Tchétchène.
15 septembre Table ronde « Ecrire sur les conflits interethniques [mežnacional’nye] » à Mahačkala, organisée par le Centre de journalisme extrême (Moscou).
Octobre-janvier Campagne antigéorgienne en Russie suite à l’arrestation, le 27 septembre à Tbilisi, de quatre citoyens russiens et onze géorgiens accusés d’espionnage. La Russie cesse de délivrer des visas aux citoyens géorgiens et coupe temporairement toutes les voies de communication, y compris postale, entre les deux pays. Plusieurs entreprises appartenant à des citoyens géorgiens ou à des citoyens russiens d’origine géorgienne sont fermées ; de nombreux « immigrés illégaux » géorgiens sont déportés, et des manifestations culturelles à participation géorgienne annulées.
26 octobre Séminaire « Incitation à la haine et à l’animosité : les moyens légaux de résistance et les problèmes de l’application du droit », Moscou, Centre SOVA et Conseil présidentiel pour l’assistance au développement des institutions de la Société civile.
28 octobre Création du parti pro-putinien Russie juste. Patrie. Retraités. Vie qui absorbe les restes du parti Rodina après le schisme de ce dernier.
4 novembre Seconde Marche russe à Moscou (d’envergure plus modeste qu’en 2005) et dans plusieurs autres villes. A Moscou, après d’âpres débats, le Front antifasciste russien et le Front antifasciste de gauche organisent un contre-meeting commune qui réunit 500 personnes environ. A Saint-Pétersbourg, une manifestation équivalente mobilise un nombre plus élevé de manifestants, dont de nombreux étudiants étrangers.
16 décembre Faisant fi d’une interdiction officielle, Autre Russie organise la première « Marche de ceux qui ne sont pas d’accord » à Moscou, réunissant 5 000 personnes environ. Le meeting est dispersé mais inaugure une série de manifestations semblables à Moscou, Saint-Pétersbourg et Nižnij Novgorod, provoquant des réactions policières violentes.
22 décembre A Moscou, attentat à la bombe sur Tigran Babadžanân, 20 ans, ancien modérateur du site antifa.ru.
2007
14 janvier A Saint-Pétersbourg, tentative de meurtre d’Ivan Elin, 21 ans, membre du groupe Food not bombs proche du milieu antifasciste punk.
31 mars Stanislav Korepanov, 17 ans, meurt à Iževsk des blessures reçues trois jours auparavant lors d’une bagarre avec des skinheads néo-nazis.
1 avril Entrée en vigueur d’une loi, proposée par Putin après les événements de Kondopoga, qui défend aux citoyens étrangers de travailler dans le commerce de détail « dans les intérêts … de la population autochtone de la Russie ».
[1] Plusieurs membres du PLDR, de l’UNR et de plusieurs autres organisations ultranationalistes trouvent une mort violente dans la première moitié des années 1990. Voir Ivanov 1996 pp. 371-372 pour une liste compilée à partir d’articles dans la presse national-patriotique, qui laisse cependant ouverte la question des motifs politiques derrière ces meurtres (même dans les cas où il s’agit clairement de meurtres et non pas d’accidents ou de suicides).
[2] Donnant lieu au recueil Nužen 1996.
[3] Publication : Neonacizm 1995.
[4] Publication: Vozmožnost’ 1996.
[5] Publication : Mul’tikult’uralizm 2002. Pour un compte-rendu en français, voir le no. 42(2-3) des Cahiers du monde russe, pp. 770-773.
[6] Publication : Čto takoe 2000.
[7] Publication : Nacional’nye 2001.
[8] Sur les métamorphoses institutionnelles de Rodina, voir Titkov 2006, en particulier les pp. 7-9.
[9] L’une des composantes du bloc Rodina aux élections de 2003, ce parti s’appuie sur la Fondation Héritage spirituel, proche des milieux étatistes et ultrapatriotiques de l’ancien KGB.